Mercredi 15 mai, fin du visionnage d’Argo de et avec Ben
Affleck. Même si j’ai toujours eu du mal à envisager qu’on puisse réussir un
film en étant à la fois devant et derrière la caméra, certains réalisateurs,
comme Clint Eastwood ou dans ce cas Ben Affleck, maîtrise bien voire même très
bien l’exercice. Argo c’est donc l’histoire vraie d’un agent de la CIA
spécialiste des exfiltration d’otages qui monte une vraie fausse production
hollywoodienne pour faire sortir d’Iran un groupe de diplomates américains qui
ont trouvé refuge chez l’ambassadeur du Canada à Téhéran. Le contexte
historique (la crise iranienne des otages) est bien réel et l’opération Argo
aussi, enfin si on en croit les dossiers de la CIA sur le sujet, déclassifiés
secret défense en 1997 par le président Bill Clinton. Je dis ça parce que c’est
vrai que si j’avais ces fameux dossiers sous les yeux j’oserais à peine y
croire tant cette histoire parait dingue. Dans le même ordre d’idée, si ça ne
s’était jamais produit, je crois que personne n’aurait pensé à inventer un truc
pareil. Bref, vous voyez où je veux en venir.
Enfin bon, une histoire tellement dingue qu’au cinéma ça devient un
scénario génial. Tellement génial d’ailleurs que le film a reçu la bagatelle de
12 prix du meilleur scénario comme aux Oscars où il s’est vu décerné le prix du
meilleur scénario adapté. Un long métrage qui semble d’ailleurs tout bonnement
fait pour remporter des prix, au vu de ses résultats dans les nombreux
festivals pour lesquels il a été nominé en 2012 : 48 prix au total dont 15
du meilleur film et 12 du meilleur réalisateur pour Ben Affleck.
Ce qui est paradoxale et en même
temps très fort dans Argo, c’est l’empathie que Ben
Affleck arrive à susciter pour des personnages dont on ne sait finalement pas
grand-chose. Pour tout vous dire, mis à part Tony Mendes, le personnage
principal incarné par Ben Affleck, je ne me souviens d’aucun des noms des
personnages du film et en particulier des six otages évadés qui sont pourtant
le point central du film. Mais même si dans le fond on ne les connait pas, on
se sent quand même super concerné par leur sort. Ca m’offre une transition pour
ce qui est pour moi la plus grande réussite du film, à savoir la séquence du
passage des contrôles de sécurité à l’aéroport. Parce que cette scène est à mon
sens un véritable exploit de réalisation. En effet, on connait déjà la fin de
l’histoire puisque : d’un, c’est une histoire vrai qui s’est donc par
définition déjà produite, et surtout de deux parce que c’est un film américain
et que dans un film américain on ne va quand même pas laisser un agent de la
CIA et six diplomates se faire arrêter et exécuter par des islamistes ! On
se doute donc bien qu’ils vont tous rentré sein et sauf au pays, en plus on les
connait à peine, mais il n’y a rien à faire on se sent quand même super
concerné et on stress à chaque vérification de passeport. Vous l’aurez compris,
Argo
c’est une prouesse de réalisation et ce n’est pas un hasard si Ben Affleck a
personnellement récolté 29 prix pour ce long métrage. Et deuxième transition,
presque une double transition même. On parlait donc du suspens que parvient à
installer le film autour d’une histoire dont on connait déjà la fin et des prix
qu’il a récolté. Et bien ce suspens doit beaucoup au montage. En effet au cinéma
on écrit un script avec la durée des plans mais entre ce qui est écrit et ce
qui rendra finalement le meilleur résultat on a le chef monteur et son équipe
qui sont garant du rythme du film. Je disais donc un montage alterné entre
Hollywood, les bureaux de la CIA et l’aéroport de Téhéran. Bref, entre d’un
côté nos héros sur le point de se faire arrêter et torturé, donc tout proche
d’une mort dans d’atroce souffrance et d’un autre côté tous les grains de sable
qui viennent se glisser dan les rouages de l’opération Argo et qui mettent à
chaque instants la vie des héros susmentionnés en péril. On doit ce montage à
William Goldenberg qui avait déjà travaillé avec Ben Affleck sur Gone
baby gone et qui a également œuvré sur le Zero Dark Thirty de
Kathryn Bigelow, un des concurrents d’Argo dans les festivals en 2012.
Bref un chef monteur émérite récompensé 11 fois au cours de sa carrière dont 6
fois pour Argo qui a été récompensé 5 fois pour le meilleur montage. On
compte parmi ces prix un Oscar et un BAFTA (British
Academy Film Awards, l’équivalent des Césars au Royaume-Unis). Vous l’aurez
compris, le montage contribue largement à la réussite du film en créant le
suspens qui caractérise le bon thriller qu’est Argo.
Pour en finir une bonne fois pour toute avec les prix quelques chiffres
marquants. Le film à été nominé 7 fois aux Oscars 2013 ce qui le place en 5ème
position des nominations pour cette édition. Il y a remporté trois prix dont
celui du meilleur film, ce qui en fait la deuxième œuvre la plus primée avec Les
Misérables de Tom Hooper et derrière L’odyssée de Pi d’Ang Lee
qui a obtenu 4 statuettes pour 11 nominations. Ce qui fait d’Argo
le film ayant le meilleur ratio récompense/nomination avec un 3/7. Et c’est un
2/5 au Golden Globes où le film a obtenu deux des prix les plus
importants : meilleur film dramatique et meilleur réalisateur.
Un autre aspect fait d’Argo une œuvre qui embarque
complètement le spectateur, les costumes. L’action du film se déroule en 1979
et l’ambiance année 80 est retranscrite à la perfection. Grosses lunettes,
grosses moustaches, coiffures et vêtement improbables, on s’y croirait. On
notera que Jacqueline West, la chef costumier, a, en 2008, été nominée au
Costume Designers Guil Awards dans la catégorie film d’époque pour L’étrange
histoire de Benjamin Button de David Fincher. Inutile de préciser que
son truc c’est faire revivre une époque à travers les fringues des acteurs.
Outre Benjamin Button elle a aussi habillé Mark Zuckerberg dans The
Social Network également pour Fincher. Terence Malik lui a lui aussi
confié la création des costumes pour trois de ces films : Tree
of life, A la merveille et Le nouveau monde. Enfin bon,
Jacqueline West c’est pas une énorme référence mais c’est tout de même une
valeur sûre dans le monde des costumes, lesquels contribuent largement à
l’ambiance et donc à la réussite du film.
On finira avec les acteurs. Que dire sinon que Ben Affleck est aussi
bon devant que derrière la caméra et que la performance de Bryan Cranston, (le
papa de Malcolm) avec son personnage pris entre les devoirs d’obéir aux ordres
de ses supérieurs et de soutenir son agent de terrain, est intéressante. Mais à
mon sens, ce n’est pas de ce domaine que le film tire sa réussite.
Cette fois je serais plus tranché que pour les critiques précédentes. Argo
c’est top, on passe un super moment et à mon avis le film mérite entièrement
ses prix. Ce film est plus que « pas mal » même si je ne le mettrais
pas non plus dans mon top 5. Vous aimez les thrillers, les histoires dingues et
le cinéma en général, alors procurez vous Argo et regardez le au plus vite si
ce n’est déjà fait…
A French Watcher