lundi 31 mars 2014

De toutes nos forces de Nils Tavernier

Un après midi dans les locaux de la radio RCF. L'équipe du film De toute nos forces s'installer dans le studio pour enregistrer l'émission cinéma du mercredi suivant. Il y a Nils Tavernier, le réalisateur. Jacques Gamblin et Fabien Héraud, les acteurs principaux et Philip Boëffard, producteur du long métrage. La discussion commence, les questions s'enchaînent. En cabine avec l'ingé son, j'observe. C'est fascinant de voir un réalisateur parler de son travail, de ce qui a été compliqué à tourné, des choix de cadrage et de montage et surtout de l'intention qui sa cache derrière. L'interview se déroule. Tavernier explique alors que le handicap  n'est pas vraiment le thème principal du film. "En réalité dit-il il s'agit plus d'un film sur la famille. Cette famille est en train d'exploser mais la rage de vivre et la volonté de Fabien lui permettent de se reconstruire." Une volonté intéressante. Si c'est réussi, et si le film n'est pas qu'une fiction du plus sur le courage des handicapés, il se peut que ce soit un bon voire un très bon film. A sa sortie du studio, j'en profite pour échanger quelques mots avec Nils Tavernier. Je lui dis ce que je viens de vous dire et avant de s'engouffrer dans l'ascenseur, il me lance: "Viens à l'avant-première ce soir, tu te feras ta propre idée." Inutile de me le dire deux fois.

Sortie de salle après De toute nos forces, de Nils Tavernier. Voilà, je viens donc de voir le film et d'assister à la séance de questions. Une soirée plutôt sympa dans l'ensemble. J'avais vu la bande-annonce avant de rencontrer Tavernier chez RCF. Plutôt bien faite avec de l'émotion et tout et tout, de quoi me donner envie de voir le film quoi. Mais mon expérience m'a appris à ne pas me fier aux bandes-annonces (surtout à celles de Sofia Coppola depuis Somewhere. Ce fut un petit traumatisme, je ne m'étendrai pas sur le sujet). Je suis donc relativement méfiant vis-à-vis des bandes-annonces. Après tout ce ne sont que des outils promotionnels développés par les producteurs. Mais là c'est différent. En effet, Philip Boëffard avait expliqué qu'ils n'avaient pas réalisé cette bande-annonce avec des gens rodés à l'exercice, qui sont spécialisés dans le domaine et qui utilisent à peu près toujours la même formule: on condense les meilleurs moments du film en une minute trente de temps puis on l'envoi à Allociné et aux chaînes de télé. Le but étant de ne pas survendre le film mais de montrer son réel esprit. "On voulait que les gens ressentent, grâce à la bande-annonce,  l'émotion que nous avons voulu mettre dans le film."
Et je dois dire que le pari est plutôt réussi. Le film était plus ou moins ce à quoi je m'attendais. Mais finalement, est-ce que ce n'est pas un peu nul d'aller au cinéma pour voir un film qui est fidèle à ce qu'on attendait ? J'ai envie de dire, au moins on n'est pas déçu #Somewherejetehais. Mais d'un autre côté c'est un peu fade et sans surprise. Et c'est un peu ce sentiment qui prédomine à la fin. Le film est bien, voire même très bien. La psychologie des personnages est très bien développée. En une heure et demi Nils Tavernier arrive à nous faire saisir les principales motivations et les principaux enjeux, conflit ou mal être. Bien qu'un peu cliché le personnage de Jacques Gamblin reste touchant et l'intelligence de la mise en scène permet de ne pas tomber dans le pathos, ce qui est un grand risque dans ce genre de film. La mini histoire d'amour entre Jullien et la nouvelle patiente du centre de rééducation nous suffit à nous identifier et ainsi à ne pas considérer le personnage de manière condescendante. Ces petites scènes ne sont pas utiles à l'histoire mais elles permettent au réalisateur de rapprocher le spectateur de son personnage principal et ainsi de ne pas en faire juste un handicapé. Sur ce plan, la séance de question du public m'a beaucoup agacé. On a eu droit à la larmichette de la grosse dame du troisième rang qui a dit à Tavernier d'une vois tremblante: "Vous donnez de l'espoir à  toutes les familles d'enfants handicapés." J'ai alors eu une forte envie de me lever et de lancer "Ca ce n'est pas une question madame, vous deviez vous abstenir pour laisser la parole aux gens qui ont vraiment des interrogations sur le film !" Mais bon, je sui un peu dure, après tout c'est un temps "d'échange avec le public" pas forcement la réunion d'un ciné-club. Mais une chose m'a encore plus agacée. Les questions à destination de Fabien Héraud du genre "Ca n'a pas été trop dure de tourné ce film dans votre état ?" D'autant plus que Nils Tavernier s'est fait une spécialité de filmer les personnes malades ou handicapées comme dans Le mystère des jumeaux où le réalisateur raconte notamment le destin de Audrey et Diane Pleynet, des jumelles pianistes qu'une maladie orpheline a failli définitivement éloignées de la musique. Tout ça pour dire que si c'est pour voir du pathos et de la victimisation d'handicapé, ce n'est pas chez Tavernier que ça se passe. Voilà, fin du coup de gueule.
            Bon sinon visuellement, les plans du départ de l'Iron Man de Nice sont vraiment beaux, et on saisit d'autant plus la performance quand on sait qu'ils n'ont pu être tournés qu'une seule fois. En effet, l'équipe du film à eu l'autorisation de tourné au beau milieu du départ de la course. Pas question donc de faire ressortir 6000 concurrents de l'eau en leur disant "Désolé elle n'est pas bonne il faut la refaire." Les plans de montagne sont également bien réussis. Il se dégage quelque chose d'apaisant de ce film. Le rythme n'est pas effréné comme dans d'autres films sur le sport, car ici, le but n'est pas de gagner, c'est de finir. Ce n'est pas la performance qui compte, puisque nager sur 4 Km, pédaler pendant 180 Km et courir 42 km c'est déjà une performance.

            Vous l'aurez compris, globalement le film est pas mal, sans être extraordinaire. On passe un bon moment mais on ne ressort pas bouleversé et perdu comme ça peut être le cas avec de grand film. Voilà, De toutes nos forces ce n'est ni un mauvais film, ni un grand film. C'est entre les deux.

A French Watcher


Le torture porn

Il est une soirée à Lyon que j’ai découvert il y a quelques semaines et que, désormais, je ne raterais pour rien au monde. L’épouvantable vendredi, projection consacré au film d’horreur à l’institut lumière. Tous les deux mois environ, quelques fans de films de genre, plus ou moins nombreux selon le thème de la soirée, se rendent au Hangar du premier film de l’institut Lumière afin de frissonner devant deux bons films d’horreur. Bien évidemment, vendredi dernier j’y étais pour la spéciale torture porn. Au programme, Hostel et Hostel 2, d’Eli Roth. Retour sur un genre trop méconnu.


Le Torture porn est un genre un peu à part au cinéma. Pour mieux comprendre le phénomène, il nous faut remonter à la fin des années 70. Nous sommes à la fin de deux décennies d’apogée pour le cinéma de genre italien. Les réalisateurs transalpins s’illustrent alors dans tous les domaines. Sergio Leone dans le western spaghetti, Ruggero Deodato dans le cinéma d’horreur. Federico Fellini est une légende du cinéma. Bref, le septième art est en pleine effervescence en Italie. Et c'est en plein dans cette époque charnière que sera réalisé l’œuvre qui va fondé le Torture porn. Salo ou les 120 journées de Sodome de Pier Paolo Pasolini. C'est un film qu'il est intéressant de connaître à plusieurs titres. Tout d'abord parce qu'il a introduit les codes de ce nouveau genre cinématographique. Dans un univers clos, des jeunes gens sont soumis à des sévices qui leurs sont infligées par un ou plusieurs tortionnaires et qui finisse dans la grande majorité des cas par la mort. C'est pas très joyeux tout ça. Mais c'est exactement ce que propose Pasolini à ses spectateurs. Une montée en puissance de la violence et de la perversion qui fini dans El girone del sangue (le cercle du sang), le quatrième et dernier acte du film, par la mort des adolescents suite à diverses tortures et mutilations. Le film marque un tournant dans l'histoire du cinéma de genre mais aussi de la culture en général. En effet, pour la première fois, la violence et la cruauté sont montrées franchement et directement, de la manière la plus crue qui soit. La violence a toujours été présente dans l'art. Dans le Guernica de Pablo Picasso, dans les nombreuses interprétations picturales de L'enlèvement des Sabines… Mais le cinéma est l'art le plus grand public et permet de créer une illusion quasi parfaite de la réalité. C'est en cela que Salo représente un tournant dans l'histoire de l'art. De la violence et de la cruauté à l'état pur. Mais à l'époque, l'importance qu'allait avoir le film, notamment dans le cinéma d'horreur, n'était pas vraiment perceptible. Pour la censure l'œuvre allait tout simplement trop loin. Elle a donc été censurée ou interdite dans de nombreux pays pendant plusieurs années. Sa projection a même été interdite en 2007 à Zurich. Salo est sans conteste, l'une des œuvres les plus controversées du XXème siècle. Des débuts en fanfare pour un genre qui ne laisse personne indifférent. On va s'arrêter là avec l'histoire du cinéma ne vous en faites pas. Nous voilà de retour dans le présent. Pour donner un bonne aperçu de l'ampleur du phénomène Salo, sachez simplement que c'est un film qui a profondément marqué et influencé Tom Six, le réalisateur du monstrueux The human centiped (âme sensible s'abstenir). De même, Gaspar "Enter the void" Noé éprouve, encore aujourd'hui un profond malaise à chaque visionnage du film.

La salle de bain du Saw 1
Quand on connait ses origines, on comprend mieux que le genre soit à part dans le paysage cinématographique. Le Torture porn c'est extrême et c'est réservé à un public que je qualifierais d'averti pour ne pas dire un peu cinglé. Le genre dans sa globalité est donc relativement confidentiel. Ce que je veux dire par là c'est que les vrais fans restent relativement rares. Le plus souvent, quand on regarde ce genre de film c'est en groupe, avec des mis, pour se faire peur. Très rares sont ceux qui apprécient le Torture porn pour sa porté artistique et cinématographique. C'est tout le paradoxe justement. Un genre confidentiel, mais en même temps très populaire. Le meilleur exemple est la saga Saw. 870,4 millions de dollars de recette à travers le monde avec 3 600 000 entrées en France. Tout simplement la série de film d'horreur ayant eu le plus de succès de tout les temps. Mais ce qu'on en retient, ce n'est pas la prouesse de James Wan avec le premier Saw, ce n'est pas la qualité de la narration qui, bien que non linéaire ne perd pas le spectateur mais le captive. Enfin, on ne retient pas non plus les nombreux codes propres à la saga qui en font quasiment un genre à part entière (twist final, ambiance visuel sale et malsaine…). Non, ce que retient la majorité des spectateurs ce sont un ou deux piège à la violence extrême qui éclipse toute la portée cinématographique du film. Et je ne peux pas les en blâmer. C'est exactement ce qu'ils recherchent, de l'extrême, des sensations…
                Mais si on dépasse ce côté ultraviolent et pervers, on tombe parfois sur des films avec un vrai message à faire passer. Tout comme Salo interrogeait sur notre rapport au pouvoir, à la toute-puissance, à l'autre et à son corps, Saw se penche sur l'instinct de survie, la vengeance et la valeur que chacun donne à la vie que ce soit à la sienne ou à celle de l'autre.


                Le Torture porn c'est un peu comme Casimodo, c'est laid et repoussant au premier abord, mais quand on prend le temps de s'y intéresser sincèrement, ça devient, contre toute attente, intéressant et enrichissant.
A French Watcher

vendredi 28 mars 2014

Le loup de Wall Street


L’autre jour, décidé à me rendre à l’avant-première de 300 : la naissance d’un empire, j’arrive devant l’UGC de la Part Dieu. Evidemment il y a foule. C’est bien que tant de gens soient prêts à payer pour aller voir un film au cinéma. Cela me conforte dans l’idée que cet art, qui me fait si souvent vibrer et pour lequel j’ai un amour inconditionnel, a encore de belles années devant lui. Mais bon, j’aime bien ne pas avoir à attendre 30 minutes pour pouvoir aller voir un film, et par-dessus tout, j’aime être au calme dans mon fauteuil, concentré sur le film, sans que les bruits de mastication de pop corn de mon voisin de droite ou les gloussements du couple à ma gauche ne viennent me déranger. Mais halte à la misanthropie, revenons-en à notre histoire. Les petits écrans de l’UGC m’indiquent qu’à la même heure au quatrième étage passe Le loup de Wall Street de Martin Scorsese. Bien décidé à aller au cinéma ce soir, je gravis les escalators, achète un ticket et pénètre dans la salle 11 de l’UGC Part Dieu. Je m’assieds, sans trop savoir à quoi m’attendre…

Sortie de salle après Le loup de Wall Street de Martin Scorsese. Un film plutôt bon dans l’ensemble même s’il y a certains points que j’aimerais soulever.
Visuellement le film ne propose rien de très novateur. L’image est belle, propre et travaillée (en même temps nous avons affaire à l’un des plus grands réalisateurs en exercice) mais il n’y a pas cette touche de magie comme dans un Seven ou un The Fountaine, qui fait d’un film une réelle expérience visuelle. La bande son n’est pas extrêmement marquante non plus. Le film, globalement lambda, est tiré pour ne pas dire tracté par son histoire et son acteur principal. Une histoire vraie, ce qui la rend d’autant plus intéressante. Quand on sait que Leonardo DiCaprio et Brad Pitt se sont disputés les droits du livre, on se dit que Jordan Belfort n’avait pas vraiment de quoi s’inquiéter quant à la qualité de l’adaptation de sa vie sur grand écran.
Voilà, une fois qu’on a dit cela, on peut se pencher plus avant sur ce qui marche et ce qui ne marche pas dans le nouveau film de Martin Scorcese.

Contrairement à ce que j’ai pu lire, je ne trouve pas que Scorcese soit « au sommet de son art » dans ce long métrage. Non, il peut faire vraiment mieux. Certes ce Loup de Wall Street est divertissant, mais il ne laisse pas une marque. Il ne hante pas le spectateur pendant des semaines après son visionnage contrairement à Shutter Island ou aux Infiltrés. Deux films où on sent vraiment une tension monter, une ambiance s’installer. Décors, lumière, musique, chaque élément de ces films participe à la création de ce mal être chez le spectateur.

Je dois également dire que j’ai eu un peu de mal avec le personnage de Donnie Azoff interprété par Jonah Hill. Non pas que je n’aime pas cet acteur, bien au contraire. Mais bon, quand on est un réalisateur hollywoodien on doit savoir que lorsqu’on embauche un acteur da la Frat Pack, le ton est donné, le film prend tout de suite un ton humoristique, même s’il n’est pas voulu. L’image de Hill est tellement imprégnée de teen movies et de comédies toutes les plus absurdes les unes que les autres, qu’il est très difficile de le voir comme le co-fondateur de la plus grosse agence de trading des années 90. Jonah Hill avec de la drogue, des prostituées et des situations absurdes, on est tout à fait dans le thème. Mais faire du dramatique avec un acteur au style aussi marqué, ça serait comme essayer de faire de Sean Connery un gentil looser dans une comédie romantique. Tout ça sent beaucoup trop le En cloque : mode d’emploi ou le Super grave. Et ça donne un résultat plutôt déroutant. Les scènes de drogue et de sexe - enfin de débauche quoi – fonctionnent très bien. Les scènes qu’on pourrait qualifier de plus sérieuses sont quant à elle beaucoup moins convaincantes. La descente de police dans les bureaux de Stratton Oakmont pose problème de ce point de vue. Tout au long du film, à chaque apparition de Jonah Hill, tout ce qu’on se dit c’est « Elle est où la blague ? ». Mais attention, il ne faut surtout pas enfermer un acteur dans un seul type de rôle. Un grand acteur doit savoir tout jouer – doit-on en déduire que Marion Cotillard n’est pas une grande actrice #mortdansBatman le débat est ouvert. Jim Carrey, hilarant dans Yes man est un autre acteur dans Le nombre 23. De la même manière, Jean Dujardin est tous aussi crédible dans Brice de Nice que dans Contre-enquête. Fin de la digression. Tout cela pour dire qu’un changement de registre est quelque chose de délicat pour un acteur et que ça doit être très bien fait pour paraître crédible aux yeux d’un spectateur habitué à autre chose. En l’occurrence, ici ça ne fonctionne pas.


Mais ne soyons pas si négatif ! Le loup de Wall Street réserve tout de même quelque bonnes surprises. En effet, l’humour ne vient pas de la où on l’attend. Et à défaut d’un Jonah Hill au top de sa forme, on a droit à un Jean Dujardin aussi cynique que dans 99 francs. Son face à face avec Léo DiCaprio est juste génial. Autant la distribution avait été hasardeuse avec Hill autant Dujardin est absolument parfait en banquier suisse corrompu. Mélangeant voix off et dialogues, Scorcese nous dévoile ce qui est dit mais aussi ce qui est pensé par les deux personnages. Un décalage qui fonctionne à merveille, pile dans le ton du film. De manière général, DiCaprio est excellent dans le film. Il interprète parfaitement l’exubérant Jordan Belfort, leader et homme d’affaires prodigieux, perverti par l’argent et le pouvoir.

 Au final, ce film est, comme beaucoup, divertissant. Un minimum pour une superproduction à 100 millions de dollars. En même temps, bousiller une voiture de sport, un hélicoptère et faire couler un yacht, ça coûte cher. Enfin bon voilà… C’était pas mal… Cette double locution résume assez bien mon état d’esprit alors que je descends les escalators du centre commercial pour attraper un métro.