Oui mon dernier article commence à dater un peu. On s'était
quittés sur une note plutôt négative avec un petit retour sur les Oscars 2011.
Aujourd'hui ce n'est pas beaucoup mieux. Si j'ai mis tout ce temps pour écrire
cette critique c'est que le film dont nous allons parler m'a quelque peu
déstabilisé. Aujourd'hui je vous parle de Noé de Darren Aronofsky.
C'était pour préparer la sortie de Noé que j'avais entrepris
de vous faire une petite rétro sur la carrière de Darren Aronofsky. Comme je
vous l'avais dit, j'attendais ce film depuis environ deux ans et j'en attendais
beaucoup. Lorsqu'un film d'un de mes réalisateurs préférés sort, j'ai du mal à
faire une place à l'objectivité, c'est tout ou rien. Un chef d'œuvre ou un gros
ratage. Et pour Noé je considère en l'occurrence que c'est un gros ratage. Je
le reverrai et mon opinion se nuancera probablement mais le fait est que pour
le moment il n'est pour moi que déception.
J'ai toujours aimé Aronofsky pour sa capacité à rendre grand
public un cinéma qui confine au cinéma d'auteur. Mais pour que ça marche il
faut deux éléments. Premièrement que le film soit grand public – ce n'était pas
le cas avec Pi qui était un vrai film d'auteur, en noir et blanc et tout et
tout – et qu'il ait aussi un vrai intérêt cinématographique. Noé
est grand public, aucun problème là-dessus. Non ses manquements sont plutôt
cinématographiques. On a affaire, selon moi, à un blockbuster tout à fait
lambda. Après quatre articles sur la carrière d'Aronofsky, vous devez vous
rendre compte de ce à quoi je m'attendais. La lumière de Noé, bien qu'assurée par
Libatique, n'a rien d'exceptionnelle.
Les effets de style manquent à l'appel. Les personnages sont archétypaux et
mus par des motivations qui ne me parlent pas du tout. Pour resituer je prendrai
l'exemple du bébé d'Ila (Emma Watson) dont Noé veut se débarrasser dès sa
naissance pour faire s'éteindre l'espèce humaine parce que le ciel lui a dit de
le faire. Tiens ça sonne comme une réplique de Seven ça: "Une voix m'a dit de le faire, mon
chien m'a dit de le faire Jodie Foster m'a dit de le faire" Et ce n'est pas le fait de s'attaquer à un
thème biblique qui provoque ce décalage entre mon échelle de valeur et celle
des personnages. Car ce n'est pas la première fois qu'Aronofsky s'inspire du plus
grand best-seller de tous les temps pour l'un de ses films. Dans The
Fountain déjà, les thèmes de l'Eden, de l'arbre de la vie et de celui
de la connaissance, étaient centraux. Cependant ils s'inscrivaient dans une
histoire beaucoup plus complexe, autour de personnages dont les sentiments et
les motivations étaient beaucoup plus proches de nous. Plus facile de
s'identifier à l'homme qui tente désespérément de sauver la femme qu'il aime
plutôt qu'à celui qui veut tuer ses petits-enfants parce qu'il a lu dans la
pluie qu'il devait le faire. Alors vous me direz: "C'est biblique, donc forcément imagé, ce n'est pas à prendre au pied de
la lettre !" Dans l'absolu je suis d'accord, mais le problème dans Noé
c'est que tout est sur le même ton, pas de symbole derrière le sacrifice de ce
bébé à naître. On doit se rendre à l'évidence,
l'ancien testament est cruel, violent et totalement archaïque. Et le
revirement final qui nous dit "En
fait Noé il est trop gentil, il ne ferait pas de mal à une mouche" ne fait qu'étayer ma thèse. Ca nous dit que
tout ça était très sérieux mais qu'un mec qui sauve gazelles et crocodiles
n'est évidemment pas capable de tuer un nourrisson.
Bon, pour nuancer un peu, je dirais que j'ai été un peu dur
à propos des effets de style. On a droit à quelques très jolis plans en
contre-jour où les silhouettes des personnages se détachent magnifiquement d'un
fond aux couleurs irréelles. L'autre effet intéressant est l'enchainement
d'images symbolisant la déchéance de l'humanité: l'Eden la pomme, le serpent, la
massue de Caïn… Un effet qui n'est pas sans rappeler les enchaînements de Requiem
lorsque les personnages se piquent puisque dans les deux cas ils reviennent
régulièrement dans le film pour exprimer quelque chose de très précis. De plus la
massue de Caïn m'a fait penser à 2001 : l'odyssée de l'espace de
Stanley Kubrick et à sa scène de la découverte de l'outil.
2001 : L'odyssée de l'espace |
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